La newsletter qui fait
parler les données

🖌 Quel plaisir de sortir les crayons !

Chaque jour, nous passons des heures devant nos écrans avec tous ses incroyables outils en ligne qui nous permettent de calculer, scraper, nettoyer des bases de données, prévisualiser, cartographier, designer des sites… Mais l’un de nos grands plaisirs reste clairement lorsque l’on sort une feuille de papier et un crayon et que l’on esquisse une forme, puis une autre. Car à partir de ce brouillon, la discussion s’engage entre data et design : la création commence. Ce passage par le crayonné, c’est ce que nous raconte, dans ce numéro, Léa Desrayaud, la cheffe de l’infographie d’Epsiloon, magazine scientifique d'actualité, avec de nombreux exemples en bonus !

Au menu de cette édition d’octobre :
✏️ Les coulisses des infographies d’Epsiloon : Léa Desrayaud vous dévoile son chemin depuis les crayonnés jusqu’aux pages du magazine.
📍 Y’a débat : la dataviz a-t-elle fini d’innover ? WeDoData répond à Shirley Wu et attend vos réactions.
🗞 Francesco Franchi où l’art de la double infographique : un maître italien à (re)découvrir.
💎 Des inspirations, des outils, des bases de données…

L’équipe de WeDoData
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DANS NOTRE RADAR

🌎 Ces data(viz) font l’actu

● Retour à l’envoyeur. Depuis janvier 2025, l’agence américaine de l’Immigration et des Douanes (ICE) fait feu de tout bois. Alors qu’elle ne publie pas de données quotidiennes sur son activité, The Guardian a obtenu des chiffres grâce au Deportation Data Project : la majorité des personnes arrêtées n’ont aucun casier judiciaire et plus de 8100 personnes ont été expulsées vers des pays… qui ne sont pas leur pays d’origine.
À contrôler ici

● I will survive. La présence d’un survivant - parmi 241 passagers et membres d’équipage - lors du crash d’un Dreamliner d’Air India en juin dernier, a relancé la question lancinante de tout·e voyageur·se aérien·ne : existe-t-il une place plus sûre que les autres dans un avion ? Reuters a sorti la base de 1 400 vols commerciaux réguliers sur les 55 dernières années avec au moins un décès. Conclusion (attention spoiler) : les corrélations entre siège et survie sont statistiquement fragiles, car chaque crash a sa propre dynamique (angle, vitesse d’impact, feu, fumée…)..
À survoler ici

● Le choc des titans. Les trois dernières finales de Grand Chelem ont vu Carlos Alcaraz et Jannik Sinner s’affronter, donnant l’impression d’un “Big 2” qui se détache d’une concurrence en peine. Le quotidien sportif espagnol “Mundo Deportivo” refait le match en data et graphiques sur les carrières déjà monumentales de ces deux joueurs âgés de seulement 22 et 24 ans. Mention spéciale pour le très esthétique Voronoï interactif en fin d’article.
À smasher ici

DANS NOTRE SAC

🍪 Les pépites data du mois

 
● C’est vertigineux. Et si on visualisait tous les livres publiés au monde, ceux qui ont le fameux code ISBN ? C’est ce qu’à réalisé le développeur Phiresky dans cette immense biblioviz interactive. Vous pouvez sélectionner et naviguer par langue, rechercher des livres individuels, filtrer par année de publication… Nous sommes ravis, au passage, d’y retrouver le livre de WeDoData “365 - Chaque jour, c'est la journée de quelque chose” !

 
● C’est planant. Envolez-vous au-dessus des chaînes de montagnes à l’aide de cette visualisation en 3D qui retrace la trajectoire d’un Gypaète barbu, le plus grand rapace d’Europe. Les données sont issues de balises GPS permettant de suivre les vols planés du charognard, ainsi que ses pompes dans les courants d’air chaud. Avec un peu de Qgis2threejs et de Swisstopos, Fabian Lang nous régale comme il l’avait fait dans son livre “Montagnes suisses” recommandé dans une précédente édition.

 
● C’est enivrant. Vous aussi, vous choisissez vos bouteilles de vin en fonction de leurs étiquettes ? The Pudding a analysé la qualité perçue des vins en fonction de l’animal présent sur celles-ci… Près de 1 500 bouteilles ont été décortiquées. Conclusion en croisant les notes des vins via l’application Vivino et le dessin sur leur étiquette via ChatGPT Vision : pour des vins au bon rapport qualité/prix, craquez pour les étiquettes avec un poisson 🐠, un insecte 🐛 ou un mouton 🐑.

ENCORE UN PETIT LOT DE PÉPITES

●️ Plein de cartes d’actualité faites à la main ●️ Un Voronoï qui répond à une question-clé : où ai-je le plus de chance d’atterrir ? ●️ Les teintes du ciel en live ●️ Les droits des femmes, un combat cyclique ● 109 modèles climatiques sur un globe en 3D…

L’innovation en dataviz, c’est fini ?

 
🤜 Après quinze ans d’activité dans la datavisualisation et le data art, Shirley Wu, l’une des data scientist réputée de notre secteur, ose une question dérangeante : “Qu’est-ce qui a tué notre innovation ?” Son texte oscille entre coup de gueule et gueule de bois. WeDoData ayant connu moultes évolutions du secteur (privilège des pionniers 😎), nous nous sommes pris au jeu du bilan. Venez y réagir ici !

DANS LES COULISSES DE…

🎓 Dans les coulisses des infographies d’Epsiloon

 
Léa Desrayaud est cheffe de l’infographie d’Epsiloon, magazine scientifique d'actualité, depuis sa création. Avec son parcours particulier – diplômée de l’École de Journalisme de Grenoble, puis plongée dans les services infographies de Reuters, AFP, Idix, Le Monde, Les Echos, Libération, etc. –, elle a développé une façon de travailler au près de la rédaction. Elle nous raconte ici les coulisses de ses créations à travers une étape clef : le crayonné.
 

Comment organises-tu ton travail entre les données de départ et la production finale ?

Léa Desrayaud : Je commence toujours par le fond car j’ai la particularité de travailler les données de chaque sujet : les journalistes me suggèrent des publications, des sources et/ou des chercheurs et je vais chercher la data. Puis je plonge dans mes tableurs pour chercher à comprendre ce qu’on veut raconter : les grandes évolutions, les répartitions… Je fais mes tests dans Excel ce qui me permet d’avoir « dans l’œil » les bonnes proportions dès que je me lance dans mes crayonnés. C’est pour cela que mes croquis ressemblent souvent beaucoup à la version finale : j’ai déjà testé en amont les ordres de grandeur des chiffres.

 
Prenons l’exemple du hors-série sur l’eau. Au départ, on voulait comparer la consommation entre différents pays, mais les données n’existaient pas de façon exploitable. J’ai dû revoir l’angle, en travaillant directement avec des chercheurs pour identifier ce qui serait pertinent. Mon crayonné a servi à poser les bases de la narration : un graphique central très lisible, et des éléments secondaires qui viennent s’articuler autour. Une fois ce travail validé, la phase de production est beaucoup plus mécanique. J’ai souvent l’impression de passer trois semaines à réfléchir, tester, échanger… et deux jours à exécuter. Si on s’est bien mis d’accord sur le crayonné, la réalisation devient une ligne droite.
 

 
Tu insistes beaucoup sur l’importance de ce crayonné dans ton travail. Pourquoi est-ce une étape incontournable pour toi à Epsiloon ?

L.D. : Personnellement, c’est instinctif car j’ai grandi avec l’habitude de dessiner avant de construire – mon père me demandait toujours de croquer nos projets de cabane ! Aujourd’hui, c’est devenu un réflexe professionnel : réfléchir par le dessin permet d’aller droit au but. Pour moi, le crayonné n’est pas juste une étape préliminaire, c’est vraiment un langage de travail avec la rédaction.

Quand je présente un crayonné en réunion, tout le monde se concentre sur le message, pas sur des détails graphiques. Si je montre une version trop aboutie dans Illustrator, les collègues hésitent à critiquer, de peur peut-être de « casser » mes heures de travail. Avec un croquis, c’est l’inverse : tout le monde ose prendre un crayon, gribouiller par-dessus, proposer un changement. Ça rend la discussion plus collective. C’est aussi une question de clarté : un crayonné va à l’essentiel, sans parasite visuel. On peut discuter du fond, de la hiérarchie de l’information, de ce qu’on veut mettre en avant… avant même de parler de couleurs ou des typographies.

Epsiloon accorde une place importante aux infographies, la preuve avec ce numéro spécial tout en dataviz qui sort en kiosque le 14 octobre. Comment trouves-tu l’équilibre entre créativité, lisibilité et exigence de production mensuelle ?

L.D. : C’est un équilibre fragile, et c’est ce qui rend le métier passionnant. À Epsiloon, l’infographie a été pensée comme un pilier dès la création du magazine. L’idée était d’utiliser le visuel pour montrer ce que le texte seul ne peut pas rendre. On a donc beaucoup de liberté créative, mais on se doit de rester lisible pour un public large.

Les retours des lecteur.rices sont très variés. Certains adorent plonger dans une double page foisonnante, d’autres se sentent perdus. Certains veulent une lecture intuitive, d’autres réclament des légendes très scolaires. On doit donc penser à tous ces profils car ils existent.

On apprend aussi de nos erreurs. Je me souviens d’une infographie sur les jeux vidéo où j’avais intégré des petits Mario dans le crayonné : c’était ludique, mais finalement trop enfantin pour le ton du magazine. On a donc épuré la version finale. Ce genre d’aller-retour fait partie du processus : chercher l’originalité, mais ne pas perdre de vue que notre objectif est de mettre en valeur une information fiable et compréhensible.
 

Enfin, ce qui m’aide beaucoup, ce sont les échanges permanents : avec les collègues de la rédaction bien sûr, mais aussi avec les chercheurs, à qui je montre parfois mes croquis pour valider mes choix. Cette confrontation des regards est précieuse. Elle m’évite de tomber dans la facilité ou dans des réflexes toujours identiques, et me pousse à me réinventer régulièrement.

⚒️️ Mes outils préférés pour travailler : 

• Les incontournables : Excel, Google Sheets, papier-crayon, Illustrator, Indesign, QGIS pour les cartes.

• Ceux dont je ne pourrais pas me passer pour certaines infographies : Rawgraphs pour les circle packing, les diagrammes de flux, les Voronoï, etc. et Automeris.io pour récupérer les données d’un graphique en image quand il est impossible d'avoir le tableau de chiffres.

🔭 Ma veille : 

• Pour toujours se questionner sur le type de représentations choisies : le Dataviz project, le Dataviz catalogue, le site from Data to Viz de Yan Holtz et sa newsletter Dataviz Universe

• Pour en avoir plein les yeux et s’inspirer des meilleurs : les IIB Awards, la galerie du South China Morning Post, les travaux de Reuters Graphics et aussi plein de livres de dataviz, des expos, des affiches dans la rue…

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● Ne ratez pas le numéro spécial Epsiloon tout en infographies.
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✨ La bonne reco de…
Clément, data designer de l’équipe

Francesco Franchi où l’art de la double infographique

 
Journaliste et directeur créatif du quotidien italien « La Repubblica » depuis 2016, Francesco Franchi est un des grands acteurs de l’essor du design d’information européen des années 2000. Ses compositions à l’équilibre parfait dans lesquelles la forme est au service du fond, où aucun détail n’est laissé au hasard et où la typographie est totalement maîtrisée sont une véritable source d’inspiration pour moi. C’est d’ailleurs en grande partie grâce à son travail que je me suis intéressé à la visualisation de données et à l’infographie.
 

 
Mention spéciale pour cette galerie Flickr “Analisi grafica” qui regroupe toutes les productions infographiques de sa période au magazine “IL — Intelligence in Lifestyle”, celles qui, à l’époque, m’ont attiré vers la dataviz. Publiées entre 2000 et 2010, ces pépites sur double page n’ont pas pris une ride, preuve évidente de la force de Franchi à raconter des histoires visuelles.

Tout comme Federica Fragapane, Giorgia Lupi ou encore Manuel Bortoletti, il perpétue cette tradition de l’infographie/dataviz à la sauce italienne : très léchée, géométrique, fourmillant de détails visuels avec des gammes de couleurs bien calibrées.

📷 Plongez dans son Flickr avec toutes ses productions
📚 Découvrez ses livres : « Designing News » et « The Intelligent Lifestyle Magazine ».

DANS NOS BONS PLANS

🛠️ Les ressources du mois

📦 Ressource
● Une typo qui fond comme neige au soleil. Le dessin de la typographie “Climate Crisis font” réalisée par le journal nordique Helsingin Sanomat est basé sur les données du National Snow and Ice Data Center, ainsi que les prévisions du GIEC, groupe d’experts sur le climat. La graisse la plus épaisse représente l’étendue de la glace de mer arctique en 1979 (année où les mesures par satellite ont débuté). Et vous aurez deviné que la graisse la plus fine… simule les prévisions pour 2050 !

⚒️ Outil
● Des couleurs bi. Nous vous avons récemment présenté des cartographies bivariées qui permettent de représenter la relation quantitative entre deux variables dans une seule couche. Mais techniquement, comment faire facilement une gamme de couleurs bivariée ? C’est là qu’entre en scène le plugin Figma “Color Interpolation Grid” développé par Alex Cristache. Choisissez 4 couleurs, le nombre de paliers, le type d’interpolation, le “easing” et le tour est joué.

📊 Base de données
● Des données monumentales. La Base de Données Nationale des Bâtiments, développée par le CSTB, contient la carte d’identité de plus de 32 millions de bâtiments français, résidentiels ou tertiaires. Géométrie, matériaux constructifs, performance énergétique, adresse, parcelle cadastrale et bien d’autres informations sont fournies pour chaque bâtiment. Cette gigantesque base est téléchargeable en partie en open data.

La viz de la fin

Dis-moi ce que tu manges et j’en ferai une assiette de couleurs ! C’est le pari réussi de la célèbre data designeuse Nadieh Bremer qui a transformé les données nutritionnelles de plus de 80 000 personnes dans 23 pays issues du Global Diet Quality Score (GDQS) dans une série de dataviz.
Sur l’œuvre ci-dessous, chaque anneau illustre les données d’un individu, dont la taille et la couleur reflètent la variété et la quantité d’aliments consommés au cours d’une journée. Au final, une assiette qui célèbre la richesse des régimes alimentaires dans le monde.

Quelques dates avant de se quitter

🇫🇷󠁿 SIG 2025, le Géo évènement, s’installera les 8 et 9 octobre aux Docks de Paris : c’est LA conférence Francophone Esri consacrée à tous les usages liés à la Géo.
🇫🇷 Les Assises nationales de l’IA, première édition, rassembleront le 9 octobre décideurs, experts et élus à l’Université de Caen : débats, cas d’usages, networking et ateliers.
🇳🇱 Information design conference 2025 proposera le 31 octobre à Hilversum (Pays-Bas) de nombreuses conférences et masterclasses, notamment avec Alberto Cairo.

Près de 250 ressources bientôt en ligne !

WeDoData est un studio de datavisualisations, de design d’informations et de nouvelles narrations : wedodata.fr

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